La manufacture Cogolin est située à deux pas de Saint Tropez, dans le petit village varois dont elle a pris le nom. J’ai eu l’occasion de visiter les ateliers de tissage et de couture de tapis haut de gamme. J’ai été séduite par les possibilités qu’offrent le cantre (le fond du tapis est visible et le motif est en relief) et celles de jouer avec les couleurs de la trame du fond et les dessins des motifs en relief. On ressent toutes les influences de la période des arts déco dans la diversité des motifs proposés. La qualité des matières donne un toucher exceptionnel au tapis. Visite guidée
Une histoire singulière
En 1924, Monsieur Ferran a l’idée d’allier à la sériciculture (élevage de vers à soie), la fabrication de tapis. C’est avec l’aide d’un personnel arménien qui possèdent toutes ces techniques orientales que Monsieur Ferran décide de monter l’unique Manufacture de tapis de la région.
En 1928, Monsieur Jean Lauer, ingénieur textile et propriétaire d’ateliers de tissage à Aubusson et à Lyon acquiert la fabrique. Il importe les métiers à tisser Jacquard du XIXe siècle. Il réorganise la manufacture et oriente la fabrication vers un style décoratif français. La production s’organiser autour de deux types de production de tapis : tapis noué main et tapis tissé main. Les métiers Jarquard basse lisse à bras sont rapatriés de Lyon. Sur ces métiers, sont tissés des tapis par lé de 70 cms assemblés à la demande. L’entrepreneur importe différentes techniques de nouage et de tissage. Il collabore avec des artistes et des décorateurs de renom comme Jules Leleu, Jean-Michel Frank, Christian Bérard, Sir David Hicks ou Jean Cocteau, qui dessinent des modèles qui viendront étoffer les archives de la Manufacture, l’inscrivant dans l’histoire du tapis contemporain. On retrouve les tapis sur mesure de la fabrique dans des endroits prestigieux tels que le château de Versailles ou l’Elysée ou sur les yachts ou paquebots français.
En 2010, la manufacture Cogolin rejoint le groupe House of Taiping. Cela a notamment permis la restauration des métiers à tisser et le retravail de la palette de couleurs. La technique du noué main refait son apparition avec la ligne Cogolin et les Mains du monde qui grâce à des ateliers népalais formés aux techniques et au savoir faire de la maison, permette de sortir « les carnets d’archives » et retisser les trésors enfouis.
Chaque pièce est une œuvre unique
Aujourd’hui, la manufacture Cogolin propose 4 types de tapis :
- les « cantres » dont on voit la trame de fond qui est composé de deux fils qui se croisent (en lin ou en lin et coton) et dont le motif est en relief
- les « texturés » : la texture est dense, le motif offre une alternance de surfaces unies et de motifs géométriques.
- les tissés plat en rafia
- les noués à la main (ces derniers sont fabriqués au Nepal).
Les matières utilisées sont naturelles que ce soit le lin, le coton, le rafia et la laine. Les grosses bobines blanches sont transformées en écheveaux, eux-même réunis en bobines plus petites. Le fil, teinté de l’une des 204 nuances maison à la demande du client, peut alors passer dans l’ourdissoir. Cette gigantesque roue forme des rouleaux qui constitueront, après d’autres manipulations, le fond du tapis.
Pour commencer un tapis, il faut une journée pour tout mettre en place. Pour créer un tapis, les opérations sont en effet, nombreuses. Un quart du temps est consacré à la préparation, un autre quart à la couture et le temps restant représente le tissage.
On reste hypnotisé par les métiers « à cantres » , avec leur agencement de bobines venu d’un autre temps dont les fils, qui vont et viennent dans des cartes perforées, sont manipulés par des fées. Elles utilisent une « navette » et des « cannes » en métal, qui permettent de créer des boucles. Le tissage est frappé avec un large bras en bois pour tasser la laine et garantir la solidité de l’objet. Les boucles peuvent ensuite être coupées pour que soient « sculptés » des dessins.
Tous les lés sont ensuite assemblés et cousus à la main puis inspectés avant d’être remis aux clients du monde entier.
Peu à peu, les lés (des bandes) de 70 centimètres prennent forme : combinés, ils formeront des tapis qui se vendront 1 000 euros ht du m².
Pour la Manufacture, la décoratrice India Mahdavi a imaginé une collection baptisée « Jardin Intérieur », mariage de six motifs géométriques.
En jouant avec les différents motifs et les couleurs, les combinaisons sont multiples. On peut également jouer avec les trames de fond pour donner de la profondeur au tapis.
La Manufacture Cogolin – Jardin intérieur – India Mahdavi from House of Tai Ping on Vimeo.
L’architecte d’intérieur Charles Zana a signé « Variamen », une ligne où les jeux d’épaisseurs et de couleurs donnent une impression de relief.
Dernière collection capsule Four Corners signée Jason Miller
Cette collection a été créée à l’occasion de la WantedDesign Brooklyn, événement dédié à la création contemporaine américaine créé par Odile Hainaut et Claire Pijoulat. Cet événement a permis la mise en relation du designer Jason Miller et de la manufacture varoise.
La Manufacture Cogolin – Collection Four Corners de Jason Miller from House of Tai Ping on Vimeo.
Inspirée par le graphisme et les couleurs des plaids Navajo, la série Four Corners proposée par Jason Miller est composée de 5 tapis (Roswell, Moab, Sedona, Flagstaff et Carson).
Le designer ajoute au catalogue du fabricant une variation inédite sur le thème de la rayure. Il souhaitait proposer un dessin à la fois simple et audacieux. Il s’agit d’un tapis texturés qui demandent autant de travail de couture que de tissage.