Designer visionnaire et véritable metteur en scène du commerce de luxe, Hubert de Malherbe signe depuis plus de vingt ans des lieux spectaculaires à Paris, New York, Hong Kong ou São Paulo. iIl imagine des expériences de marque immersives pour des enseignes comme LVMH, la Samaritaine, Dior. Fondateur de l’agence Malherbe Paris, il est reconnu pour sa capacité à conjuguer expérience sensorielle, performance commerciale et élégance intemporelle.
C’est parti, donc tu peux te présenter et me dire qu’est-ce que c’est que l’Agence Malherbe Paris?
Je m’appelle donc Hubert de Malherbe et j’ai fondé cette agence il y a 35 ans. C’est un groupe de gens, de créatifs, société de design et aussi de d’identité. On fait de la communication, on travaille sur les marques et en fait c’est le départ de tous les projets. C’est de trouver une inspiration, de créer quelque chose pour quelqu’un.
On ne peut pas créer sans comprendre. Donc il faut comprendre les marques, il faut comprendre les lieux. C’est une agence de 200 personnes, un peu plus de 200 personnes sur 3 bureaux, Paris, Shanghai et New York. Ils sont organisés en petites équipes hyper spécialistes. De l’architecture pour le retail et dans le retail, il y a plein de métiers, il y a les grands malls, les grands opérateurs, il y a des boutiques de luxe, il y a des petites boutiques, des grandes boutiques, des boutiques dans lesquelles les produits sont pas chers. Et puis bien évidemment, toute la communication, on fait des films, on fait beaucoup de digital, on fait de l’identité de marque, on crée beaucoup de choses pour des gens qui ont besoin de d’inspiration, d’accord.
Et votre rôle à vous dans cette équipe ?
Alors moi je m’occupe plutot de stratégie de marque pour nos clients. Je laisse travailler les équipes, j’ai des associés quasiment dans toutes les business unit de l’Agence, dans tous les différents métiers de l’Agence. C’est très important. Je beaucoup de recul mais justement on vient me chercher dans ces équipes. Je suis plutot moi meme sollicité que proactif sur les projets. Je suis sollicité par mes associés pour avoir ce regard différent et aussi comprendre.
La psychologie et le désir de client, parce que en fait souvent un client, il dit un peu toujours la même chose, mais ce qui est intéressant, c’est de voir la manière dont il parle et là on comprend beaucoup plus de choses parce que évidemment, tous les projets de la vitre innovant, moderne, bon, voilà, différenciant, écologique, et cetera. Alors vous dites souvent transformer un décor en un décor en destination.
Qu’est-ce que cela signifie concrètement dans votre approche?
Ben en fait, on vit dans un monde d’une, d’une explosion permanente de digital, de d’outils extraordinaires.
On a vécu l’arrivée de l’internet. Et puis là, l’intelligence artificielle qui va être une sorte d’exponentielle inouïe, qui est un outil d’ailleurs déjà pour nous de travail extraordinaire, tout ce monde là. Eh bien, il est compensé par une évolution. Très harmonieuse, très délicate, très invitante et très inspirationnelle des lieux physiques. Et donc nous, on travaille dans le digital,
Donc c’est cette partie là, et il y a toute l’autre partie d’un lieu, des lieux physiques qui ne sont plus pratiques comme ils ont pu l’être, notamment je commence par les commerces. Avant Ben on voulait quelque chose, fallait aller dans une boutique, aujourd’hui on a plein d’autres alternatives, donc ces boutiques. Ont un rôle complètement différent. Ils sont pas de présenter des produits alignés comme ça sur des murs avec beaucoup de densité. Non, on y va. Il faut des très bonnes raisons pour emmener des gens dans des lieux, pour les déplacer de tout ce confort digital qui les entourent et qui est génial.
Et donc l’hospitalité arrive aussi. Vous travaillez de plus en plus pour les restaurants, les hôtels.
Et c’est une suite logique. De ces lieux qui étaient transactionnels, pratico pratiques on densifiait, on avait ça, il fallait très facilement retrouver les produits, fallait aller vite, et cetera, alors que maintenant c’est plutôt une expérience qu’on y vit. On regarde quelque chose, on achètera peut être en ligne après peu importe pour la marque, le chiffre d’affaire est là et bien évidemment on sait qu’il y a une désaffection que je trouve très positive d’ailleurs d’une consommation très marquetée ce besoin sans arrêt d’avoir plus.
Ce dont les gens ont besoin d’avoir plus aujourd’hui, c’est de vivre des choses très fortes et on est clairement vers de l’expérience. C’est vachement intéressant de réinventer des expériences plutôt que de se focaliser sur une esthétique un peu radicale et un peu total look que l’on peut voir. Moi je crois que il y a une dimension culturelle essentielle dans les lieux que l’on. Dessine et une dimension de d’une, je dirais en anglais d’une collective Joy qui est un partage dans un lieu d’une expérience avec d’autres gens. Parce que c’est vrai que l’expérience digitale est souvent très personnelle, très seule je dirais.
Ça veut dire qu’en 35 ans, les besoins de vos clients finaux, enfin des clients finaux de vos clients ont changé?
1000 fois il y a 35 ans, vous imaginez ? Moi j’ai commencé, je vous assure, j’ai commencé à bosser, il y avait encore des pneumatiques, on envoyait des messages avec des pneumatiques, je bossais, Ben c’était complètement fou donc ça a changé 1000 fois et encore 1000 fois. Je résume et ça change tout le temps et en ce moment ça change en permanence. C’est inouï
Quelles sources nourrissent cette imagination au quotidien?
C’est clairement mon enfance et mon éducation jusque jusqu’à l’école d’ingénieur que j’ai faite.
Ben un peu, un peu pour faire plaisir à la famille. Bon parce que le dessin et puis la sculpture, ça c’est pas. C’est pas sérieux. Donc moi j’ai été élevé par des gens d’abord d’une grande gaieté, d’une grande tolérance, d’une des gens très enjoués, très marrants, très éduqués, des artistes pour la plupart mes grands-parents. Ça, c’est une énorme source d’inspiration. D’une grande tolérance, des gens de la guerre. Et donc le mélange avec quelque chose de très rationnel qui moi qui m’a beaucoup marqué, c’est les sciences de l’ingénieur, comme on les appelait la mécanique des milieux continus.
C’est une manière de modéliser le comportement d’une matière dans une forme, une association d’une matière et d’une forme et de créer des modèles mathématiques pour pouvoir programmer. Le comportement de cet objet, c’est magnifique, c’est la mécanique, non mais meme le nom. Écoutez la mécanique des milieux continus, y a pas plus beau MMC, moins joli mécanique des milieux continus. J’ai appris toutes ces choses mélangées de du dessin, de la fantaisie, d’une éducation catholique aristocratique, encore une fois basée sur la tolérance, l’écoute, la découverte.
Et la transmission et qui est vraiment l’esprit de cette agence dans une logique de transmission. C’est pas une agence avant, c’est une agence qui va se développer à travers les personnalités des différents pôles de cette agence. Mes enfants aussi sont impliqués dans l’Agence. Voilà son histoire et qui surtout n’est qu’un démarrage. Qu’est ce que c’est que 35 ans?
Donc il y a un dans vos projets récents qui sont la Samaritaine, Ladurée et Dior, est-ce qu’il y a un fil conducteurqui traverse toutes ces créations ?
Oui, je pense que je vois où en fait, comme c’est une multiplicité de gens que en fait qui sont restés, qui sont devenus souvent pour la plupart associés, Eh bien ce sont des gens avec qui j’ai travaillé très longtemps et donc il y a. Je me suis imprégné de leur vision, ils se sont imprégnés de la mienne. Et c’est ce qui fait cet esprit que je décrirais très enjoué, relativement français, mais, plutôt dans l’approche et d’essayer d’être capable de comprendre ce que c’est qu’un luxe américain, que le comportement et la vision d’un Chinois qui n’a rien à voir avec celui d’un Japonais.
Et encore, en Chine, il y a le Nord, le Sud et l’Est. Le centre, ça n’a absolument rien à voir. Ils parlent d’ailleurs souvent des dialectes différents, des langues différentes. C’est de véritables continents. On ne peut pas résumer, on parle de l’Asie, c’est inouï. Regardez la variété de ce qui se passe et des cultures européennes et même dans un pays. Quand j’étais petit, dans la maison de ma grand-mère, du côté de mon père et de ma mère, Eh bien la décoration était différente, les lits étaient faits différemment, on mangeait des choses qui n’avaient rien à voir, la basse-cour était différente, tout.
Tout était différent à quelques centaines de kilomètres et ça c’est un truc essentiel. Et c’est ce grand retour que nous vivons aujourd’hui, ce retour culturel qui place les gens dans leur histoire et dans leur lieu. Donc ce que je excusez-moi du détour, mais je crois que la création c’est certainement pas quelque chose qui est trop freiné par un gout qui pour ce qui me concerne évolue sans arret. Et c’est plutôt une communauté de gens qui partagent les mêmes choses. Sans ça, il ne resterait pas. Et on va retrouver cette fantaisie, une approche très particulière de la couleur, des formes toujours très rondes, On il y a beaucoup, de galbe dans les dessins que l’on fait.
Alors j’ai rencontré vos équipes, ils ont parlé d’une écoute du client et de faire du sur-mesure à chaque fois dans chaque projet?
On réécrit tout à chaque fois pour chaque client c’est la créa. On n’est pas là pour dérouler nos propres vues, notre sensibilité. On travaille pour des marques. Faut pas oublier aussi que toutes ces marques et bien ont des objectifs
On est tous jugés à un moment donné sur la performance. Et vous savez, pour développer une agence, ce qui est vachement excitant, c’est de développer une grande agence, un grand groupe avec plein de choses qui s’y passent. Ça, c’est excitant et c’est excitant pour tout le monde. Ça ne marche que si vos clients ne sont pas contents, mais si ils font de la croissance et si ça marche. Moi, je suis très intéressé par le succès. C’est pas seulement de faire quelque chose de bien.
Je suis très triste de vous voyez par exemple des artistes qui connaissent une renommée posthume. Je trouve ça très triste. Ce que je Ce que j’aime dans cette agence, c’est qu’elle se développe, elle fait de la croissance et nos clients reviennent nous voir parce que. Les projets que l’on fait rapportent de l’argent et font de la croissance peut etre plus que d’autres projets. C’est ça qui est vraiment très excitant. Donc vous ne pouvez pas dire que votre style très défini va matcher pour tout le monde.
Je crois pas du tout. Et en plus on reste dans cette espèce de carcan d’un dessin que l’on aimait peut etre il y a 20 ans ou il y a 20 Min et qu’aujourd’hui parce que vous avez vu telle exposition ou que vous avez tout d’un coup aperçu une petite image dans la rue d’un objet qui vous a inspiré quelque chose. Et bien ça va complètement changer votre état d’esprit et vous allez trouver le bon truc qui va cartonner demain.
Je vous ai interviewé en 2012, vous faisiez AD interieur et je vous avais demandé quel était le projet que vous n’aviez pas encore fait et que vous aviez envie de faire. ? Et vous m’aviez répondu une banque.
Et bien je vais vous demander d’etre patiente.
Je crois que vous avez fait une banque d’affaire, m’a dit Thomas.
C’est vrai, on a fait une banque d’affaires . Surtout, c’est marrant, vous me disiez ça parce que on a été consulté il y a 15 jours pour faire une banque aux Philippines. On travaille depuis longtemps aux Philippines d’abord en Asie, c’est le pays qui fait le plus de croissance, 8% de croissance ces dernières années, c’est quand même extraordinaire.
On a vu à peu près la meme chose au Vietnam et je vous parle de ça parce que l’Asie du Sud est c’est un petit peu ce réservoir de croissance et puis de projets que l’on a dans une Chine qui est quand meme aujourd’hui très down. Je reviens à la Banque. C’est vrai que notre fantaisie, le fun de l’Agence convient pas trop à des institutionnels. Sauf que c’est la question de justement de ces philippins, c’est que bien évidemment les tempéraments évoluent et que maintenant les banques sont jugées comme ennuyeuses.
Les gens ne vont plus voir leur banquier, tout se passe en ligne et ça manque de lien. Et c’est des gens qui veulent que l’on crée une banque beaucoup plus koolax et un peu inspirée de toute la tendance de la décoration de l’hospitality où en fait on vit quelque chose sur place plutôt qu’on ne vient chercher un produit. C’est ça qui est important, c’est que on a souvent et toujours considéré autrefois les boutiques comme des lieux de transaction. Tu payes, tu prends le produit, tu t’en vas et en plus ce produit là c’est meme pas toi qui va le consommer peut etre et que on a toujours voulu estomper l’effet de l’expérience et de ce qui se passe véritablement dans le lieu et le role de la marque dans cet environnement là.
Je pense que la démarche de ces banquiers avec l’austérité qu’on les qu’on leur connait bien évidemment. Eh bien, ont besoin de cette, chose de, thrill, de d’excitation, de fun et de raison de venir. Et pourquoi pas?
Et donc ma prochaine question, c’est en 2025, quel est le projet que vous avez envie, que vous n’avez pas fait encore et que qui vous tente?
C’est en fait un projet de où on regroupe des gens très différents, des très grands projets. On fait en ce moment un gros projet de d’urban planning pour une société qui s’appelle Eon à Tokyo.
Les équipes y sont d’ailleurs en ce moment. On a fait un projet, on a participé à un projet extraordinaire à Sao Paulo, le matarazzo et notre client a gagné une grosse compétition de la ville de Rio pour dans le port de Porto Maravela et qui est sur la partie ouest de Rio. Un énorme projet d’Urban planning. Où on va avoir une activité culturelle, où en fait le les plantes qui sont réinvitées dans la ville, je trouve ça génial Les villes c’est quelques milliers d’années et nous on est là depuis plus de 300000 ans, donc c’est que dalle.
On est des gens, on est là pour vivre dans la nature. Et donc moi ce que ce que ce dont je reve c’est de faire ces projets où en fait les gens se regroupent physiquement. Le digital c’est un monde extraordinaire, hyper puissant, génial. Est ce qu’on peut pas faire des lieux où tout est là, où on va vivre ensemble, où ce sera oui on pourra y dormir, OK, mais on segmente tout l’hospitality, puis y a le retail, et puis après à un moment donné y a la partie culturelle, mais dans la culture bah c’est l’infini, est ce qu’on va avoir des expositions ou est ce que on a des choses interactives.
Moi je voudrais créer ce lieu et je ne sais pas quel client pourrait nous faire cette demande, peut être un un gouvernement, je ne sais pas. Qui est de dire inventez un lieu complètement nouveau et cette page blanche et cette liberté qu’on a eu maintenant depuis 25 ans de proposer ce que l’on voulait par exemple à Dior, notre client Dior nous dit Bah y a pas de brief, faites ce que vous voulez, quelles sont vos idées ? C’est remarquable quand même et d’ailleurs la progression de cette marque a été remarquable depuis 25 ans et on est que la petite poussière qui a aidé à lubrifier tous ces engrenages de du succès.





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