Fin janvier, Madura présentait la collection textile Printemps été 2025. La marque a imaginé une maison vibrante et colorée où se mêlent habilement motifs floraux et géométriques. Rompant avec les tendances minimalistes et monochromes, Madura célèbre la couleur, les saisons d’été et la beauté intemporelle du monde végétal, rehaussée par l’audace des motifs géométriques. C’était l’occasion d’interviewer Maud Mainil, Responsable de création chez Madura pour en savoir plus sur son métier et la conception d’une collection.
Stéphanie CAUMONT : Comment s’est fait cette collection Printemps été 2025. Vous avez ajouté des tons et pourquoi cela manquait ?
Maude Mainil :Dans la gamme de Carlina, commercialement tout ce qui marche bien, ce sont les tons neutres et naturel. Nous souhaitons proposer un maximum de tonalités dans les naturels, mais pas forcément avec cette finition Bourdon noir. Et on voulait aussi pouvoir diversifier les matières parce que le prix du lin ne fait qu augmenter. Pour le client, au bout d’un moment, l’impact prix devient très important et on s’est dit c’est le bon moment de trouver un compromis au lin, ou en tout cas d’arriver à faire un mélange pour avoir un prix qui reste raisonnable pour le client et qui ait le même look. Donc là c’est pour qu’avec ce coton (un mélange 50/ 50) en terme de prix, cela nous permet de rester un peu plus stable et plus raisonnable pour le client. C’est une nouvelle gamme. On en profite pour ne pas faire le bourdon noir qui peut être un peu clivant sur les intemporelles.
Cela vient par ailleurs combler tous ces creux qu’on a commercialement dans la gamme qu’on peut avoir, auquel on ne pouvait pas répondre . Et voilà. Donc là on a un prix qui va rester plus stable et on aura plus cette finition et on aura des tonalités de naturel différentes, les gammes déjà existantes.
S.C. : Il y a des clients qui veulent du ton sur ton ?
M.M. : Oui, par exemple sur un rideau Curry, sur notre gamme de lin lavé avec la finition noire, des gens qui aimaient la couleur, mais la finition noire c’était trop. C’était une information supplémentaire qui n’allaient pas chez eux donc on passait à côté. A contrario, cette finition plaisait beaucoup à d’autres. Pour répondre à un maximum de demandes, on a besoin de gammes avec et sans finition.
S.C. : Sans faire du sur mesure ?
M.M. : C’est du prêt à poser.
S.C. : Quelles sont les couleurs qui fonctionnent le mieux chez Madura?
M.M. : Le blanc, le naturel, et après tout ce qu’il est en chaud, les jaunes, les orangers ce sont des coloris qui plaisent énormément et notamment sur les coussins.
S.C. : Dans toute le France, du Nord au Sud, quelque soit la lumière?
M.M. : C’est partout pour ces coussins là. On sait déjà que les meilleures ventes, ce sera les jaunes, après les orange et bleu et vert on sait pas trop, c’est toujours un peu inconnu, mais jaune et orangé c’est toujours des succès . Ou alors ce qui est très ce qui est très bariolé en couleur. Alors les rideaux je ne sais pas, parce qu’un rideau c’est un peu plus impactant dans une déco, mais un coussin, les choses, très colorées, où on mélange plein de couleurs ensemble, ça plaît aussi beaucoup sur les coussins. On est vraiment sur des clients très décomplexés et qui vont tenter des motifs très forts.
S.C. : Y a t il une saisonnalité ?
M.M. : Sur les motifs, pas tant que ça. Après, sur les matières comme les Bouclettes, les velours, ces choses là oui, mais sur le motif, non. Cette saison ce qui nous manquait. Mais pour le coup c’était bien. C’est tous les coloris très POP, très franc. Il y a une vraie appétence pour. Cela a du sens de les présenter sur des petites pièces. On tente des choses sur des petites pièces.
S.C. : le motif change en fonction de la couleur du fond ?
M.M. : Oui, la lecture du motif change effectivement complètement entre celui que vous avez là sur fond blanc avec les fleurs bleues beaucoup plus fortes et celui qui est là-bas sur fond vert. Celui-ci va être très beau en images pour la presse et en vitrine, il va faire rentrer du monde. Par contre, les gens ne le mettront pas chez eux. Le fleuri sur fond vert plus passé, moins contrasté peut beaucoup plaire.
S.C. :Vous pensez à un(e) client(e) qui a quel âge ?
M.M. : : je dirais qu’ elles ont quand même 40, 60 ans. Ce sont des gens sûrs de leurs goûts. Ils ne se cherchent plus. On assume plus. Pour les unis en naturel, la clientèle peut être un peu plus jeune, la trentaine. Après, il faut un budget.
Et peut-être quand on démarre, on ne sait pas trop, on n’est pas sûr d’une ligne.
Le coup de coeur, quand il y a un coup de coeur, il y a plus de problème, ni de prix, ni de composition, ni d’entretien. Sur les unis, on sait qu’il y a des coloris qui vont performer plus que d’autres. On sait à peu près prévoir comment cela va se passer. C’est vrai que sur le motif, en général on a une ou 2 certitudes et pour le reste, les clientes peuvent flasher sur des choses très fortes et on peut avoir la super surprise que cela devienne un best-seller alors que pourtant il est très très fort en couleurs.
S.C. : C’est vous qui prenez le risque de lancer un motif dans cette collection ?
M.M. : Oui, et après on le mesure. Enfin, on n’achète pas les mêmes quantités et après, on travaille avec l’équipe achat pour que pour que tout ça reste mesuré
S.C. : Vous présentez vos collections sur des murs blanc et cela fonctionne. Si on change la couleur du mur, ce sera différent.
M.M. : Oui c’est vrai. On travaille avec les peintures Argile pour nos scénographies, pour nos vitrines. Cela permet de faire des propositions aux clientes. Ce sont des inspirations. Les couleurs, c’est tellement personnel comme les parfums. On a des coups de cœur sur une couleur.
S.C. : Mais vous êtes au cœur du réacteur, vous devez savoir, c’est ça qui m’intéressait aussi.
M.M. : Je prends des parties prises parce que là, on a joué vraiment un contraste hyper fort, hyper joyeux pour le merchandising. On ne voulait pas quelque chose d’un petit peu trop mièvre On a joué des associations très fortes.
S.C. : Comment vous faites vos associations de couleurs pour le rideau?
M.M. : Pour les rideaux , je pars du dessin et après ce que je fais c’est qu’en général je pars du Pantone, je me fais mes gammes.
Je les retravaille à l’ordinateur. Je me fais beaucoup des previews avec de nouvelles positions de couleurs. Après, avec le fournisseur, je peux lancer plein d’essais, donc par exemple dans cette gamme là, j’ai lancé la même gamme de couleurs mais avec plein de nuances différentes.
Des nuances de rose plus ou moins rosé, plus ou moins orangé. Et comme ça après cela me permet, quand on reçoit mes essais. Ben je prends le bon rose de l’essai numéro un, le bon vert de l’essai numéro 2 et je recompose encore après.
S.C. : Cela fait combien d’essais?
M.M. : En 2 fois, c’est bon. Il y a le premier essai, je commence un peu large. Et le 2e, j’affine.
S.C. : Et après la matière ?
M.M. : Ça c’est pareil quand je lance mes essais, quand j’hésite ou que j’ai envie de voir ce que cela donne, il a tout un catalogue de base d’impression que que je peux choisir et je lui dis l’essai numéro un, tu me le fais sur cette base là, le 2 sur celle-ci. Enfin il me fait tout un panel. Cela me permet d’avoir un panel hyper large et après voilà, je recompose.
C’est cette matière là parce que c’est là-dessus que ça rend mieux et après, il y a le prix. Avec les toutes les informations et toutes les contraintes. je peux je prends ce rose là ce jaune, je réassocie et je fais mon puzzle en fait.
S.C. : Cela veut dire aussi qu’il faut qu’il se marie avec les autres collections. Vous parliez de vos neutres ?
M.M : Oui, je fais en sorte que ce soit des gammes où je sais que ce sont des produits de collection qui vont marcher avec. Là par exemple, là on propose pas du tout de rideaux en vert ou en vert de gris mais on les a en collections permanentes.On a un rideau un peu vert pâle comme ça, qui ira très bien avec. On a des rideaux un peu plus blancs avec des finitions noires aussi qui pourront aller avec celui-ci. Les nouveautés marchent avec les collections permanentes.
On anticipe ça pour les vitrines parce que dans les vitrines on a des contraintes. Il faut qu’on ait à la fois des produits commerciaux dont on sait qu’ils sont des best-sellers, et des produits images qui vont appeler la clivage, qui font rentrer dans la boutique donc du coup dans la vitrine, on fait la balance entre ce qu’on a et dont on est sur des ventes et le risque d’un floral qui peut être un coup de cœur et ça, je pourrais vous le dire dans 6 mois.
S.C. : La collection Printemps été 2025 a été prévue, il y 6 mois?
M.M. : Oui. Et là, je travaille sur l’hiver prochain, donc là, il faut que cela se termine assez rapidement. Après cela dépend des pays avec lesquels on travaille parce qu’on travaille avec l’Europe, la Turquie et l’Inde essentiellement. Les délais d’approvisionnement ne sont pas du tout les mêmes, donc en général, je cadence, je commence par l’Inde, après la Turquie et après l’Europe. J’essaye de cadencer ça parce que moi il faut que je sois prête très tôt sur l’Inde parce qu’après, il y a 4 mois de production, un mois de bateau
S.C. : En Inde, vous produisez quoi ?
M.M. : C’est les brodé. En gros, pour synthétiser, même si il peut y avoir quelques exceptions, tapis, broderies c’est en Inde, les impressions c’est en Espagne, les Jacquard en Turquie et après les unis naturels, cela peut être de l’Inde, du Portugal, d’Espagne.
S.C. : Et pour les tendances, vous ne travaillez pas avec un cabinet?
M.M. : Non Les tendances à la fois, je m’en inspire et je m’en détache aussi parce qu’il faut répondre aux contraintes de Madura, les spécificités Madura, les choses ne sont pas toujours compatibles, donc après, je me nourris un peu de tout, à la fois des tendances, à la fois des demandes qu’on peut avoir sur le terrain et après quand ça matche et que les choses sont évidentes.

S.C. : Parce que vous avez des data terrain ?
M.M. : Bien sûr sur les ventes, sur les retours des clients, des choses qu’elles ne trouvent pas en collection. Et puis quand il y a une, deux demandes, et…Tous les ans, on a un gros séminaire avec toutes les responsables de boutique et on échange beaucoup sur on pensait faire ça. Qu’est-ce que vous en pensez. Est ce que vous avez des remontées particulières? Est ce qu’il y a un coloris qui vous manque qu’on vous demande beaucoup, une matière. Enfin voilà. Et on essaye après de de répondre au maximum aux attentes.
S.C. : Cela dure combien de temps ce séminaire ?
M.M. : Cela dure une journée, c’est intense mais on prend plein d’informations qui sont hyper précieuses pour la suite.
S.C. : vous, votre équipe, il y a combien de personnes ?
M.M. : Moi sur la partie styliste, développement du produit, les matières, les coloris je suis toute seule. Après, je travaille avec une responsable achat qui elle est plutôt sur les négociations avec les fournisseurs, sur les prix, les approvisionnements, leurs délais. Il y a une personne qui est chargée vraiment de la qualité et du packaging, donc qui développe le packaging, qui fait tous les tests qualité, qui s’occupe de réunir tous les certificats, qui fait en sorte que la confection soit standard par rapport à nos normes habituelles et une personne qui s’occupe de l’Import Export et il y a une assistante qui elle est un petit peu en support sur les achats, sur l’import export et sur la qualité. Donc c’est un petit pôle de 5 avec chacune vraiment une mission bien précise mais sur l’intégralité des produits.
S.C. : Et vous devez effectivement communiquer parce que j’imagine que pour les matières, il y a peut être des innovations que vous ne voyez pas ?
M.M. : Et puis il y a des fois, des choses où elle me met un véto aussi, parce que moi je trouve ça magnifique. Mais elle me dit, cela ne se lavera jamais. La cliente ne peut pas l’entretenir, donc c’est très beau. Mais non. Donc après voilà, c’est aussi des grandes discussions en équipe, jusqu’où est-ce que je peux aller, faire baisser le prix. Donc voilà, on on travaille tout ensemble.
S.C. : Et si y avait une est ce qu’il y a une couleur qui représente Madura ou pas ?
M.M. : La couleur qui est dans notre charte graphique, en termes de communication, c’est le Terracotta. Commercialement, c’est le jaune.
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