Gabrielle Soyer a créé Lindel&Co en mars 2008. Après avoir été licenciée de son poste de décoratrice à Bruxelles vers l’âge de 50 ans, elle s’inspire d’un voyage à Goa dans les années 80 pour créer des coussins brodés au point de chaînette cachemiri. Elle développe ses prototypes en 2007 et expose pour la première fois à Maison&Objet en janvier 2008.
ENTRETIEN AVEC GABRIELLE SOYER DE LINDELL&CO
Gabrielle Soyer : J’ai créé Lindel&Co il y a maintenant presque 18 ans et demi, au mois de mars 2008 et j’ai toujours aimé l’artisanat, j’aime l’Inde depuis très très longtemps. Et il se fait que j’ai travaillé comme décoratrice pour une société à Bruxelles, en Belgique. Et le jour où j’ai été licenciée, je me suis dit, j’avais, j’allais avoir 50 ans, qu’est-ce que tu peux faire ?
Et je me suis rappelé que dans les années fin 80, j’avais été à Goa où je m’étais promenée sur une plage et je suis rentrée dans une petite boutique tenue par des cachemiris qui faisait justement ce point de chaînette que j’aime depuis vraiment longtemps. Donc je me suis dit pourquoi pas faire des coussins ? Et je suis donc partie en 2007 pour faire mes premiers prototypes parce que je me suis dit, si j’expose, ce serait à Maison&Objet. Ce que j’ai donc fait au mois de janvier 2008.
Et voilà, c’est une longue histoire de d’amour. J’adore ce pays et j’adore particulièrement le Kashmir. On est dans l’Himalaya, la ville Srinagar est à 1860 mètres d’altitude et c’est avec grand plaisir que j’y vais maintenant seulement une fois par an, mais au début j’allais deux à trois fois par an parce qu’il fallait vraiment surveiller la qualité de cette broderie qui est très serrée et donc ça c’était au début pas du tout évident pour les brodeurs.
Je vends beaucoup aux États-Unis. J’ai des clients un peu partout dans le monde. Et mais ça reste un produit niche. Et quand on me demande quelle est la tendance des couleurs et tout ça, je ne sais jamais quoi dire parce que, et c’est sincère, quand je dis ça, c’est je ne sais pas.
Je me préoccupe pas du tout de ce qui se fait dans la déco. J’essaie de vraiment faire ce que j’aime et s’il y a vraiment quelque chose qui m’intéresse, c’est l’art. Parfois, je suis influencée par des expositions ou des expos que je vois dans les musées ou dans les galeries. Mais, c’est mon goût, c’est ce que j’aime faire et je ne me pose pas la question : Est-ce que ça va plaire ou pas ? Et c’est peut-être pour ça aussi que j’ai maintenant une clientèle dont certains sont avec moi depuis 17 ans, 14 ans et qui achète deux fois par an, donc deux collections depuis si longtemps. Donc ça c’est merveilleux et après il y a toujours le client qui va faire un one shot et que je ne revois pas après.
Vous avez des intemporels et vous avez des collections ?
Gabrielle Soyer : j’ai maintenant, on peut dire que j’ai vraiment des grands classiques. Je suis dans Vitra House, de la maison Vitra depuis 2009 je crois, c’est presque comme un musée showroom et il y a deux étés, ils m’ont commandé pour leur showroom à Paris, Londres, Amsterdam et en Belgique et dans le choix, ils ont pris une nouveauté et sinon des classiques que j’avais fait en 2009, 2008, 2009, 2010.
Je suis assez fière de ça parce que in fine, il semblerait que les gens ne se fatiguent pas de certains comme l’étoile ou des motifs géométriques que je fais depuis vraiment très longtemps. Le papillon, je l’ai fait en 2007 dans ma chambre d’hôtel à Srinagar comme prototype et depuis je le vends depuis. Voilà, c’est ça, c’est agréable.
Et je pense en tout cas mes clients, ce qu’ils me disent très souvent, le particulier quand il vient au showroom, c’est que il s’en lasse pas. Je suis ravie de savoir qu’on achète un produit à un certain prix que je ne pense pas cher, mais qui est certainement vu comme onéreux parce que tout le monde ne peut pas se payer mes coussins. Mais en tout cas les gens vivent très longtemps avec.
Comment tout a commencé ?
Gabrielle Soyer : j’achète des coussins pour ma mère et j’achète deux tapisseries que je n’ai jamais montré à qui que ce soit c’était comme mon petit secret et qui est ressorti en quand est-ce que j’ai été licenciée en 2006 et j’ai ressorti donc de 1989 deux tapisseries identiques sauf que le fond de couleur changeait et là je me suis dit mais c’est ça que je veux faire en coussin. J’en avais parlé à personne et jamais montré à qui que ce soit.
C’était comme voilà, mon petit secret qui restait caché comme ça. Et j’avais déjà eu un signe et je suis partie avec des dessins sous le bras au cachemire qui était très très tendu à l’époque, c’était en 2007 donc je suis arrivée à Delhi et le lendemain matin je suis allée à l’ambassade de France pour dire que j’allais partir là-bas. Ah bon ça continue? Ah pardon! Et donc le jeune diplomate me dit, Bah écoutez, nous on déconseille vivement d’aller au Cachemire parce que voilà, c’est quand même.
La situation est vraiment très difficile pour la population, les militaires partout et tout ça. Mais il me dit en me regardant, mais je vous vois, je sais que de toute façon vous allez prendre l’avion, c’est quand j’ai dit je pars demain il me dit Bah écoutez, j’ai dit bah oui je partirai. Mais ce que vous pouvez faire, c’est éventuellement prendre mon nom, le nom de l’hôtel, ça je peux vous donner. Et si éventuellement il se passe quelque chose et on entend de qu’une qu’une étrangère a disparu, vous saurez peut-être que ce c’est moi. Et là je j’arrive à l’hôtel, je demande au propriétaire s’il connaît des gens qui font du coin de chaînette.
Et en 2 jours, j’avais une douzaine de noms de personnes qu’il fallait que je rencontre et que j’ai rencontré. Sans vraiment connaître les mots techniques ou les questions qu’il fallait poser. Et au fur et à mesure, les gens vous disent des choses. Ah je dis Ah tiens ça je ça il me l’a pas dit hier et j’ai noté tout dans ma tête et au fur et à mesure j’étais de plus en plus professionnelle dans mes questions aussi. Et voilà, ça s’est fait comme ça et j’ai travaillé avec 2 frères très sympas mais ils ne comprenaient pas ce que c’était vraiment la qualité export. Donc j’ai travaillé avec eux 2 saisons et après c’était vraiment c’était impossible. Donc j’ai changé. Là je suis tombé sur les bonnes personnes, père et fils, avec lesquels maintenant ça fait 17 ans qu’on travaille ensemble. Non, c’est une belle histoire. Il était jeune homme à l’époque, il avait 27, 28 ans, maintenant il est en 43, 44, il est marié, il a 3 enfants que je connais depuis leur naissance et c’est un peu comme une famille. Beaucoup de gens ont peur d’aller là-bas et c’est vrai que les gens m’apprécient que ça fait 19 ans que je viens chaque année et dans les cafés on me « Ah madame, madame ! » Ils sont ravis parce que c’est une région difficile donc pour eux c’est vraiment, ça leur fait du baume au cœur de voir que quelqu’un vienne, que je suis là et qu’on travaille ensemble année après année.
Je pense aussi que la qualité est là, elle est absolument extraordinaire.





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