PARIS (AP) — Gardien du temple où les « petites mains » perpétuent depuis des siècles cette même gestuelle précise et aérienne propre aux ateliers de broderie française, François Lesage est mort jeudi à l’âge de 82 ans des suites d’une longue maladie. Une disparition qui tourne une page dans l’histoire de la haute couture.
Promu sur le tard, le 23 novembre dernier, au rang de maître d’art par le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand, François Lesage, président d’honneur de la maison qui porte son nom, aura eu le temps de passer in extremis le relais et ainsi perpétuer un des savoir-faire les plus spécifiques de la haute couture française en nommant il y a quelques jours le surdoué Hubert Barrère à la direction artistique de la maison.
Figure incontournable de l’excellence, François Lesage fut aussi « le complice des plus grands couturiers », a déclaré jeudi Frédéric Mitterrand dans un communiqué, sans oublier d’évoquer les grandes maisons avec lesquelles l’artisan d’art disparu avait travaillé, comme Schiaparelli, Balmain, Balenciaga, Dior, Christian Lacroix ou Yves Saint Laurent.
« Sa maîtrise, son regard, son imagination les accompagnaient dans leurs rêves les plus audacieux », a ajouté M. Mitterrand, non sans souligner que François Lesage était aussi « un homme à l’âme généreuse et à l’esprit facétieux ».
« En plus d’être doté d’un talent exceptionnel, François Lesage était aussi un vrai épicurien », a confié jeudi à l’Associated Press la productrice et journaliste de mode Marie-Ange Horlaville. « En matière de création, il aimait ‘les accidents’, faisant se mêler dans la joie la dentelle, la soie et les matières plastiques fondues ».
« Il lui arrivait parfois d’inviter nos caméras sur des chantiers hallucinants où, pour une grande maison, ses brodeuses effilochaient à la main et rebrodaient en « reeffilochant’ des kilomètres de dentelles, alors que lui s’affairait aux fourneaux autour de plats de pâtes ou de ris-de-veau gigantesques pour sustenter ses équipes », a confié Marie-Ange Horlaville.
Rachetée en 2002 par la maison Chanel comme d’autres grands noms du secteur dont le savoir-faire exclusif est immanquablement lié au petit monde de la haute couture, la maison Lesage a connu une nouvelle jeunesse.
A la fois portée par le succès grandissant des métiers d’art et du luxe à la française dans les pays émergents dont la Chine, le Brésil ou les pays du Golfe. mais aussi par son omniprésence au sein des créations de haute couture des onze griffes françaises ayant droit à cette appellation dans le monde.
Inquiet du renouvellement des talents et du temps qui pa,,sse, François Lesage avait fondé sa propre école de broderie à Paris, en 1992.
Les obsèques de François Lesage se dérouleront le 7 décembre à 10h30 en l’église Saint-Roch à Paris, la paroisse des artistes, a annoncé jeudi soir la Chambre syndicale de la couture parisienne. Les fleurs blanches qu’affectionnait particulièrement le dernier des grands brodeurs français sont les bienvenues. AP
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